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Douze assassinats et dix-huit tentatives d’assassinat. L’accusation donnait le vertige, au point que beaucoup doutaient de sa pertinence : elle est désormais gravée dans le marbre. Lundi 5 août, deux juges d’instruction ont décidé de renvoyer l’ex-anesthésiste Frédéric Péchier devant les assises pour trente empoisonnements de patients. « Il n’y a aucun équivalent dans les annales judiciaires françaises », prévient le procureur de la République de Besançon, Etienne Manteaux.
La procédure, aux allures de poupées russes, a longtemps avancé à tâtons face à la complexité des faits. Sept années d’investigations acharnées (auditions par centaines, analyses médicales, scientifiques et techniques, travail de recoupement, exhumations, expertises psy) ont été nécessaires pour mieux cerner les ressorts de cette funeste série d’arrêts cardiaques, survenue dans deux cliniques bisontines entre 2008 et 2017. Ces événements indésirables graves (EIG), « pour lesquels aucune explication médicale formelle n’est retenue », étaient « trop fréquents et anormalement létaux », estime l’ordonnance de mise en accusation (OMA) rendue lundi 5 août. Dans leur écrit, les magistrats instructeurs présentent Frédéric Péchier comme leur « seul dénominateur commun ».
Cette affaire « n’a rien à voir avec des euthanasies », insistait le procureur Etienne Manteaux, en mai, au moment de détailler « les charges accablantes » pesant sur le docteur Péchier : « Ce qui lui est reproché, c’est d’avoir empoisonné des patients pour atteindre des collègues avec lesquels il avait des différends. » Ces conflits, parfois aigus, parfois latents, portaient sur des considérations financières, des guerres d’ego, des jalousies ou des désaccords d’ordre médical… Des personnes vulnérables utilisées, à leur corps défendant, comme vecteurs d’une vendetta personnelle ?
D’après le ministère public, le praticien avait élaboré un mode opératoire redoutable, quasiment indétectable, en polluant discrètement les poches de perfusion de ses victimes. Afin de brouiller les pistes, Frédéric Péchier aurait injecté des produits variés : potassium, anesthésiques locaux, héparine, adrénaline… Reconnu pour ses talents de réanimateur, l’anesthésiste « s’était créé un personnage de sauveur », dixit M. Manteaux, en se portant au chevet de certains patients agonisants pour préconiser le bon antidote. Et ce, de manière parfois « trop précoce ». Selon l’accusation, ces situations permettaient d’accentuer son leadership, tout en fragilisant les confrères visés.
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